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Le prêt de 1700 milliards de F CFA d’Afreximbank au Gabon : Quand la coopération Sud-Sud contrarie la domination Nord-Sud

Lors de la 32e Assemblée annuelle d’Afreximbank à Abuja au Nigéria, le Gabon a obtenu, le 27 juin 2025, par la diplomatie active de son Président de la République, un prêt de 3 milliards de dollars (environ 1700 milliards de F CFA), dans le but d’accélérer la transformation de son secteur minier et ferroviaire par la construction d’infrastructures énergétiques, comme promis dans son projet de société.

Si on ne relève pas le contexte dans lequel le Gabon reçoit cette aide, l’on ne pourrait pas comprendre la portée d’une telle confiance accordée au Gabon par cette Banque Nigériane. Entre août 2024 et juin 2025 plusieurs Agences de notation internationales ont récemment abaissé la note souveraine du Gabon, signalant des inquiétudes quant à la capacité du pays à gérer sa dette et à faire face à ses obligations financières. Ces dégradations de note indiquent une augmentation du risque du non-remboursement de la dette et peuvent avoir des conséquences négatives sur les investissements. Pour ces agences, ces dégradations sont principalement liées à des tensions de trésorerie, des arriérés de paiements, une dépendance excessive aux revenus pétroliers. En somme, pour ces Agences, la situation financière court de gros risques et est actuellement sous pression.

Toujours selon elles, le Gabon devrait solliciter un programme avec le FMI, dès cette année, afin de rééquilibrer les finances publiques et rétablir la confiance des marchés.Dans un communiqué publié le 24 juin 2025, le Ministère de l’Economie, en réponse à l’Agence Fitch Ratings a protesté contre la notation souveraine du Gabon de ‘‘B’’ à ‘‘CCC+’’ en avril 2024 et de ‘‘CCC+’’ à ‘‘CCC’’ en janvier 2025.

Le Ministère de l’Economie a fait savoir que l’Agence a omis d’intégrer, dans sa décision, des éléments tels : la réussite de la Transition politique après le coup de Libération du pays qui a relancé l’activité économique du pays à l’arrêt surtout entre les période de 2014-2018 et 2020-2023, l’organisation d’élections présidentielles transparentes en avril 2025, l’engagement du nouveau pouvoir à rétablir les équilibres budgétaires, la perspective d’un réengagement avec les partenaires financiers internationaux, sans oublier un paiement de la dette.

En 2024, le Gabon a réglé sa dette de près de 29, 8 millions de dollars auprès de la Banque Mondiale. De façon générale, sous la Transition, près de 1728 milliards de F CFA de dette publique ont été payés entre septembre 2023 et décembre 2024. Ces paiements ont contribué à une diminution du ratio dette/PIB de 71% à 67% en 2024. En août 2024, l’Agence américaine Standard and Poor fait passer la note du Gabon de ‘‘B +’’ à ‘‘B’’. L’Agence américaine Moody’s a abaissé, le 14 juin 2025, la note souveraine du Gabon de ‘‘Caa1 négatif’’ à ‘‘Caa2’’.

Pour rappel, les Agences de notation sont des arbitres économiques du crédit mondial. Leur mission principale est d’évaluer la capacité d’un Etat ou d’une entreprise à rembourser ses dettes. Elles attribuent pour cela une note sur une échelle allant généralement de ‘‘AAA’’ (excellence de solvabilité) à ‘‘D’’ (défaut de paiement). Cette note sert de boussole aux investisseurs qui s’en servent pour décider s’ils vont prêter de l’argent ou pas à un pays, et, si oui, à quel taux.

Comme le fait remarquer le média en ligne Média 2 AC : « De façon générale, en Afrique, de nombreuses voix s’élèvent contre cette sévérité disproportionnée des agences de notation à l’égard des pays du continent. Plusieurs dirigeants et économistes estiment que ces notations sous-estiment les efforts des reformes entreprises localement et amplifient les risques perçus, ce qui prive les Etats africains d’un accès équitable aux marchés financiers ».

Excédés par les notations de ces Agences qui n’ont même pas des sièges dans la plupart des pays africains et qui ne mènent pas des enquêtes pour mesurer la réalité de chaque pays à un moment donné, les pays africains commencent à réfléchir à la mise en place d’une Agence de notation continentale. Le journal en ligne Trace infos, dans un article datant du 10 juin 2025 note :

« L’Afrique franchit une nouvelle étape vers l’affirmation de sa souveraineté économique. Une Agence Africaine de notation de crédit (AFCRA) est sur le point de voir le jour, sous l’impulsion de l’Union Africaine ».

Cette Agence pourrait voir le jour en septembre 2O25, selon le même journal.Au vu des éléments de ce contexte, comment comprendre que là où les Agences de notation abaissent la note du Gabon, Afreximbank du Nigéria prête 1600 milliards de F CFA au Gabon ? Cette banque peut prendre le risque de prêter autant d’argent en un seul tour tout en sachant que le Gabon n’est pas solvable ? Comment comprendre ces deux positions contradictoires ?Il est à noter que la coopération Sud-Sud (entre pays de l’hémisphère sud) n’entrevoit pas