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Décryptage/La RESTAURATION DE LA STABILITÉ: ces boîtes de PANDORE que le CTRI doit ouvrir pour y arriver par « Nestor BINGOU »

Libreville, le 26 novembre 2023 Globe infos

Tous les vendredi vous aurez droit au décryptage d’un objectif jusqu’à épuisement avec Nestor BINGOU 

RESTAURATION DE LA STABILITE

LE GENERAL BRICE CLOTAIRE OLIGUI NGUEMA ET LE CTRI OUVRIRONT-ILS lES BOÎTES DE PANDORE ?

Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a décliné récemment les six objectifs de la transition, à savoir : la restauration de la stabilité ; la réforme institutionnelle ; la lutte contre la corruption ; le développement durable ; l’Education et le Dialogue National.

Nous voulons aujourd’hui nous appesantir sur l’objectif N°1 portant sur «la restauration de la stabilité ». Comme on l’entend, le verbe «restaurer» a pour synonymes « réparer », «rétablir», «refaire», «arranger» etc.

La stabilité quant à elle, renvoie à la qualité de ce qui est stable, de ce qui tend à conserver une position d’équilibre. L’expression «restauration de la stabilité» laisse alors sous-tendre l’existence d’une situation de déséquilibre ou d’instabilité constatée par le CTRI et pour laquelle ce comité militaire souhaite œuvrer en vue de sa restauration. Sans être dans l’esprit du CTRI, on peut tout de même catégoriser l’instabilité au Gabon et distinguer l’instabilité politique, économique, financière et sociale.

L’instabilité politique au Gabon, elle résulte principalement du manque de transparence dans l’organisation des élections, la fraude électorale devenant l’objet principal des désaccords ou des luttes fratricides entre l’ancienne Majorité et le bloc dit « Opposition ». L’absence d’approches idéologiques a conduit le débat politique national sur des thématiques favorisant la fracture sociale (régionalisme, tribalisme, xénophobie, corruption, crimes politiques, tueries de masse, etc). En supprimant le clivage Majorité/ Opposition, le CTRI a ramené à 35% environ la sérénité dans les relations entre acteurs politiques de ce pays. L’on assiste à un retour d’équilibre entre l’ancienne Majorité et le camp péjorativement appelé Opposition, même si les uns et les autres accusent encore, à tort ou à raison, le CTRI et son Chef, d’avoir un penchant pour l’ancienne Majorité. Ces jugements paraissent à bien d’égards hâtifs et peut-être sans fondement, la stabilité ne se décrétant pas. Elle est un processus à court, moyen et long terme, dont les débuts sont généralement tâtonnant. Le moins que l’on puisse dire est que s’il y avait une élection aujourd’hui, le PDG n’y irait plus forcément avec les faveurs des pronostics, et les soupçons d’utilisation des moyens de l’Etat à des fins électorales ne pèseraient  plus sur cette formation politique. On peut donc noter un retour progressif de l’équilibre ou de la stabilité dans ce domaine politique. Cette stabilité pourrait bientôt se renforcer avec la mise en place des mécanismes de la transparence électorale. Mais, l’on peut tout de même se demander jusqu’où peut aller le CTRI dans la recherche de la stabilité politique au Gabon ? Pourrait-il s’attaquer au fichier électoral national, objet de toutes les manipulations en périodes électorales ? Oserait-il fouiller dans l’épineux dossier des partis politiques créés à la sauvette, sans remplir aucune condition de constitution, juste pour bénéficier du franc des partis politiques ? Penserait-il à un redécoupage électoral pour éliminer les sièges gazelles créés par le régime sortant juste pour satisfaire quelques amis? Réussira-t-il à mettre un terme à l’ingérence de la France dans les affaires politiques du Gabon ? Pourra-t-il ouvrir  cette boîte de pandore ? L’avenir nous le dira.

La stabilité économique et financière: Une autre boîte de pandore, tant toute stabilité économique ou financière est adossée sur des politiques monétaires maîtrisées, une dette et une masse salariale, publiques soutenables. Or, le CTRI n’a aujourd’hui aucun contrôle sur l’outil monétaire utilisé dans le pays et la question du FCFA reste le véritable goulot d’étranglement des économies de la zone. Comment le CTRI compte-t-il restaurer durablement la stabilité économique du Gabon sans disposer de la maîtrise de son outil monétaire ? Toutefois, notons que les questions monétaires relèvent de la souveraineté des Etats et qu’une telle problématique ne peut être traitée que par le Dialogue National. Sur cette question, le regard des gabonais est alors orienté vers le dialogue national qui s’annonce

A ces boîtes de pandores politique et économique, s’ajoute la boîte de pandore financière, la dette du Gabon étant estimée aujourd’hui à environ 7723 milliards de FCFA, soit 3000 milliards de dette intérieure et 4523 milliards de dette extérieure. Pour faire face à ce gouffre financier, le Gabon doit restaurer en amont sa confiance auprès des bailleurs fonds internationaux. C’est le sens du périple entrepris à l’extérieur du pays par le Général Président de la transition, Chef de l’Etat, Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema. Or, la restauration de la confiance auprès des bailleurs de fonds induit l’acceptation par le Gabon, de l’application des politiques d’austérité tendant au retour à la situation financière normale, à l’instar de celle de l’année 2000, estimée autour de 400 milliards. Notre pays doit alors déployer des trésors d’imagination pour une réduction drastique de la masse salariale de l’Etat dont le niveau de soutenabilité dépasse aujourd’hui 50% de nos ressources propres, loin des 35% admis par les critères de convergence de la CEMAC. La logique est donc à l’application des mesures de réduction des effectifs de la Fonction Publique. Mais, le CTRI pourrait-il ouvrir cette autre boîte de pandore ? Seul l’avenir  nous le dira ! Pris entre deux feux, celui des effectifs pléthoriques de la Fonction Publique (103800 agents), et celui du front social constitué de ceux qui cognent à la porte de cette même Fonction Publique (120000 demandeurs), le Gouvernement de transition semble opter pour le plus facile : l’augmentation des effectifs de la Fonction Publique et alourdissement systématique de la masse salariale de l’Etat, donc tout le contraire des attentes de la communauté financière internationale. Les différentes sorties télévisées du Ministre de la Fonction Publique n’ont donc pas rassuré les évaluateurs de nos politiques publiques. Une autre solution n’est-elle pas envisageable ? La situation financière du Gabon interroge et le retour de la stabilité dans ce domaine nécessite une prise des décisions courageuses en vue de la réduction du train de vie de l’Etat. L’application de la politique de l’Autriche en la matière ne ferait qu’accroître notre instabilité financière. Les gabonais doivent savoir que ni le CTRI, ni le Gouvernement de transition, nul n’est responsable de cette situation. Les tords sont partagés tout le monde est coupable, par conséquent doit accepter de serrer la ceinture si la volonté collective est celle de sortir le Gabon de ce labyrinthe. Alors le toilettage du fichier de la fonction publique et celui de la solde s’impose aux nouvelles autorités.

Aux boîtes de pandore politique, économique et financière, le CTRI doit aussi faire face à la boîte de pandore sociale: les 2/3 de la population Gabonaise vivent dans la pauvreté, dont  1/3 dans l’extrême pauvreté. Il s’agit là pour le CTRI d’affronter une pauvreté à la fois spirituelle, culturelle et morale. La pauvreté spirituelle résulte de ce que certains pensent au hasard de leur séjour ici-bas, rejetant toute idée d’entités cosmiques qui auraient présidé à leur arrivée dans ce monde, et réfutant en même temps l’hypothèse de l’emploi comme fruit de la grâce. Pourtant, l’obtention d’un emploi pourrait tout aussi dépendre des considérations spirituelles. D’autres demandeurs d’emploi croient qu’il suffit de prier matin, midi et soir pour que cette grâce vienne à eux, oubliant que le ciel n’aide que celui qui s’aide lui-même, par la recherche d’une formation, le dépôt des demandes d’emploi dans les administrations et sociétés, etc. Beaucoup de demandeurs d’emploi souffrent alors de la pauvreté spirituelle et il n’appartient pas aux CTRI de combler ce déficit, la foi étant personnelle. La pauvreté est également culturelle, beaucoup des compatriotes ignorant que travailler ne consiste pas seulement à donner sa force de travail à autrui en contrepartie d’une rémunération. Travailler au sens large, c’est aussi exercer une activité à son propre compte pourvu que les revenus générés par celle-ci permettent de subvenir aux besoins de celui qui l’exerce. Des compatriotes pleins de talents préfèrent souvent sacrifier leur existence à chercher désespérément un travail pour un salaire de misère, alors qu’en développant leur talent pour eux-mêmes, ils pourraient devenir des personnes nanties. Par ailleurs, on a aujourd’hui l’impression que le chômage n’émeut plus certains compatriotes habitués à être pris en charge par leurs parents. On trouve aisément des individus de 30 ou 40 ans sans emploi, vivant chez les parents et ne fournissant aucun effort pour sortir de leur état d’assistanat permanent. Ces personnes vivent une pauvreté culturelle. La pauvreté est enfin mentale, certains compatriotes nourrissant de complexe de supériorité et choisissant des activités susceptibles d’être exercées par eux, quitte à croiser les bras s’ils n’en trouvent pas dans cette catégorie.

La lutte contre la pauvreté au Gabon commence alors par l’éclosion ou la décolonisation de l’espace mental du pauvre, surtout du pauvre en situation de chômage, c’est-à-dire les personnes valides. La mission de l’Etat et des collectivités publiques nous semble alors d’orienter, et pas nécessairement d’être principaux pourvoyeurs d’emplois. Les Bamiléké au Cameroun ont regagné la terre pour devenir des millionnaires grâce à la volonté des pouvoirs publics qui avaient refusé de saturer inutilement les effectifs de la Fonction Publique et les avaient orientés vers la terre. Les gabonais attendent du CTRI, non pas de rayer la pauvreté par un coup de bâton magique, mais de prendre des décisions similaires dans les domaines de la terre, de la protection de l’Environnement, du sport, de la culture, des NTIC, de l’artisanat, du réseautage solidaire etc. Le CTRI devrait se démarquer des politiques du régime sortant qui ont creusé le déséquilibre social dans notre pays. Au nombre de ces politiques figure l’insertion systématique des demandeurs d’emploi dans la Fonction Publique.

Outre la lutte contre la pauvreté et le chômage, la restauration de la stabilité sociale passe aussi par la prise en compte de la condition des retraités, par le développement de la solidarité publique envers les personnes du troisième âge, envers les personnes vivant avec un handicap, et surtout envers la famille, cellule de base de notre société. La délinquance juvénile enregistrée en milieu scolaire et dans la rue, est la conséquence de l’implosion de la cellule familiale gabonaise. Elle résulte de la démission parentale, de la déstructuration du système scolaire et de l’abandon des politiques publiques en faveur de la famille et de l’enfance.

L’objectif de restauration de la stabilité fixé par le CTRI devrait alors viser la création dans notre pays des conditions de la transparence électorale, de la croissance économique et de la Justice sociale. Mais cela ne peut se faire sans s’attaquer à certains facteurs-bloquants, telles les questions de la souveraineté politique et monétaire du Gabon, ou de la sincérité des fichiers nationaux (fichier de la population, fichier de la solde, fichier électoral, fichier des militants des partis politiques, etc). Il s’agit donc d’un projet pharaonique pour lequel le CTRI et le Gouvernement de transition ne seront jugés qu’à l’aune de leurs actes. Mais quel que soit le génie des pouvoirs publics, aucune politique publique ne peut prospérer sans l’adhésion des forces vives de la nation. C’est pourquoi, le maître-mot aujourd’hui reste l’unité de tous autour du CTRI.

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