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Coup d’état au Mali/décidément ce pays ne connaîtra plus la paix

L’armée déstabilise encore le Mali avec l’arrestation du président et du premier ministre.

Le 14 mai, le président Ndaw a dissous le premier gouvernement de transition et a chargé son premier ministre Ouané de former un nouveau gouvernement, plus inclusif, intégrant des représentants des différents partis politiques et de la société civile.

Les militaires mécontents du nouveau gouvernement annoncé par les autorités de transition, ont arrêté lundi 24 mai le président de transition, Bah Ndaw, et le Premier ministre, Moctar Ouané, dans un coup d’État qui secoue le pays, embourbé dans une crise profonde depuis des années.

Quatrième coup d’État depuis août 2020

Le 18 août 2020, les militaires maliens ont arrêté le président Ibrahim Boubacar Keita, l’ont emmené au camp de Kati, situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Bamako, la capitale, et l’ont contraint à démissionner. Ce 24 mai 2021, une grande partie de l’armée a effectué la même opération : retirer de force l’actuel président intérimaire, Bah N’Daw, et le Premier ministre, Moctar Ouane, de leurs résidences et les confiner à Kati, probablement avec la même intention de les forcer à démissionner s’ils ne se plient pas à leurs exigences. C’est également au camp de Kati qu’en 2012, les militaires ont emmené le premier ministre de l’époque, Cheick Modibo Diarra, pour signer la démission correspondante.

A l’époque comme aujourd’hui, le gouvernement renversé était en transition : en 2012, pour soi-disant restaurer la démocratie, prostituée selon les putschistes par le président Amadou Toumani Touré ; en 2021, parce que le président et le premier ministre de transition n’agissaient pas aussi efficacement qu’ils l’avaient apparemment promis afin de compléter un nouveau processus de restauration de la démocratie en février 2022 avec des élections présidentielles et législatives.

Mais outre cette prétendue inefficacité, l’élément déclencheur de ce nouveau coup d’État est en fait un remaniement ministériel qui a entraîné le départ du gouvernement des colonels Sadio Camara et Modibo Koné, respectivement ministres de la défense et de la sécurité. Les deux officiers jouissent d’un grand prestige et d’une grande estime au sein des forces armées, surtout pour leur rôle décisif dans le coup d’État d’août dernier.

Et ils ont fait connaître leur mécontentement concernant l’arrestation de Bah N’Daw et de Moctar Ouane. Soumis aux exigences des deux colonels, ces derniers tentent d’évacuer la pression avec leur remaniement ministériel sans affronter ouvertement les militaires. Pour preuve, ils avaient nommé pour les remplacer les généraux Soleiman Doucouré et Mamadou Lamine Diallo, qu’ils considéraient comme plus modérés et plus enclins que les colonels à finir par céder la direction réelle de la politique du pays au pouvoir civil. Les politiciens aujourd’hui arrêtés n’avaient pas non plus l’intention de réduire les pouvoirs des militaires au sein du cabinet de transition, puisqu’ils ont continué à leur accorder les quatre mêmes portefeuilles qu’ils détenaient : les portefeuilles de la défense et de la sécurité susmentionnés, plus ceux de l’administration territoriale et de la réconciliation nationale.

Un pas en arrière dans la lutte contre le terrorisme et l’émigration clandestine

Eh bien, tout cet échafaudage a tous les signes de s’effondrer, même si l’ancienne puissance coloniale, la France, et l’Union européenne, en plus de condamner ce coup d’État, réaffirment leur soutien au processus de transition politique. C’est également la position exprimée par l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Pour tous, le Mali est particulièrement important en tant que pays clé dans la lutte contre l’avancée du djihadisme dans la bande sahélienne et pour son rôle d’étape et de plateforme pour la relance de l’émigration subsaharienne vers l’Afrique du Nord et l’Europe.

Ce nouvel obstacle à son processus de stabilisation vient donc s’ajouter à ses difficultés à s’imposer comme barrage contre le terrorisme djihadiste et l’émigration clandestine. Les luttes intestines que se livrent les militaires maliens pour contrôler les secteurs et les entreprises qui leur procurent des privilèges et de l’argent détournent évidemment une grande partie des efforts qui seraient nécessaires pour reprendre le contrôle du vaste nord du pays, qui a en fait été perdu à la suite de la rébellion touareg, puis subsumé par les franchises d’Al-Qaida dans une grande partie de la région.

Ce processus de transition vers la démocratie, qui avait pour mission de rédiger une nouvelle constitution, une modification de la loi électorale et surtout une adaptation de l’accord de paix d’Alger de 2015 pour reconnaître l’autonomie des groupes et tribus qui s’étaient révoltés contre l’autorité lointaine de Bamako, est donc suspendu. Le paquet comprenait également une formidable augmentation du budget militaire, dans le but de renforcer les maigres troupes de l’armée et de leur fournir des ressources et une formation à la hauteur du défi terroriste.

La mission de l’ONU au Mali, la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Union européenne ont affirmé dans un communiqué commun «leur ferme soutien aux autorités de transition» et ont appelé à remettre le processus de transition sur les rails pour respecter le délai convenu de 18 mois.

Sce/Africa24monde avec RSA

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