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Mali/ arrestations de militaires et d’un Français : la transition malienne serait-elle au bord de l’essoufflement ?

PAR THOMAS RENÉ

Bamako, 14 août 2025. Le Mali traverse une nouvelle zone de turbulences politiques. Les autorités de transition ont annoncé l’arrestation de plusieurs militaires maliens, dont deux généraux de haut rang, ainsi qu’un ressortissant français présenté comme un agent de la DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure). Officiellement, il s’agirait d’un complot visant à « déstabiliser les institutions de la République » avec l’appui d’« États étrangers ».

Un communiqué au ton martial, mais sans preuves publiques

C’est le ministre malien de la Sécurité, le général Daoud Aly Mohammedine, qui a lu le communiqué à la télévision nationale malienne, affirmant que « des militaires et des civils ont voulu briser la refondation du Mali ». Les arrestations auraient commencé le 1er août 2025.

Les images diffusées montrent environ dix détenus, dont les généraux Abass Dembélé et Néma Sagara. Pourtant, aucune preuve matérielle n’a été rendue publique à ce jour, laissant planer un doute sur la réalité des accusations.

Transition malienne : un contexte explosif

Depuis le coup d’État au Mali en août 2020, suivi d’un second en 2021, la transition militaire est marquée par :

  • Des tensions persistantes avec la CEDEAO.
  • Une rupture diplomatique avec la France.
  • Un rapprochement stratégique avec la Russie.

Les autorités revendiquent une « refondation » nationale, mais les reports successifs des élections au Mali et l’absence de calendrier politique clair nourrissent les critiques internes et internationales.

Le spectre des “boucs émissaires”

L’affaire soulève deux lectures possibles :

  1. Menace réelle, un complot avéré qui prouverait la vulnérabilité de l’État malien face à des ingérences étrangères.
  2. Instrument politique, une opération pour neutraliser des figures militaires influentes et détourner l’attention des difficultés sécuritaires et économiques.

Dans l’histoire récente du Mali, les accusations de complot ont déjà servi à affaiblir des rivaux politiques ou militaires. Sans preuves vérifiables accessibles au public, le soupçon d’une instrumentalisation politique reste présent.

Un enjeu géopolitique majeur

La mise en cause d’un ressortissant français, supposé membre de la DGSE, s’inscrit dans un climat de tensions diplomatiques Mali-France. Cette affaire pourrait renforcer le discours souverainiste des autorités de transition et conforter l’orientation pro-russe du régime.

Elle intervient alors que le Mali cherche à diversifier ses alliances, à renforcer sa coopération sécuritaire avec Moscou, et à se détacher de l’influence occidentale dans la gestion de sa sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Transition en crise ou pouvoir en défense ?

La transition malienne se trouve à la croisée des chemins :

Si les accusations sont fondées, elles démontrent la nécessité de renforcer la stabilité institutionnelle.

Si elles sont exagérées ou instrumentalisées, elles illustrent un risque de dérive autoritaire et la tentation d’utiliser la menace étrangère comme levier politique.

Pour préserver sa légitimité, le pouvoir de transition doit :

  • Présenter des preuves claires.
  • Garantir un procès transparent.
  • Communiquer un calendrier électoral précis.

Faute de quoi, la question restera entière : le Mali fait-il face à une véritable conspiration ou la transition militaire, faute de mieux, se cherche-t-elle des boucs émissaires?