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Libreville : dans le sillage des déguerpissements, le REDHAC appelle à concilier autorité et dignité humaine

Par Thomas René. Libreville, 13 juin 2025.

Les récentes opérations de déguerpissement menées dans les quartiers de Plein Orety et du bassin versant Sainte Marie-Arambo ont provoqué une onde de choc dans l’opinion publique gabonaise. En réaction, le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique Centrale (REDHAC) a exprimé, à travers une déclaration, son inquiétude face aux conditions d’exécution de ces expulsions, tout en appelant à un nécessaire équilibre entre l’autorité de l’État et le respect des droits fondamentaux des citoyens.

Une déclaration de presse pour alerter sur les dérives

En effet, c’est dans sa déclaration officielle, que le REDHAC, par la voix de sa Coordinatrice pays, Jeanne Clarisse Dilaba, a dénoncé des expulsions qualifiées de « brutales » et menées sans véritable communication préalable ni dispositifs d’accompagnement. De nombreuses familles, pour la plupart des locataires, se seraient retrouvées à la rue sans notification formelle, sans indemnisation visible, ni relogement digne, en violation – selon l’organisation – de l’article 20 de la Constitution gabonaise de 2024.

L’organisation a également souligné l’absence d’assistance spécifique aux personnes les plus vulnérables – femmes enceintes, enfants, personnes âgées ou en situation de handicap – ainsi que l’absence de voies d’évacuation sécurisées. Autant de manquements qui, selon le REDHAC, contreviennent aux principes internationaux encadrant les expulsions forcées.

L’État en quête de repères : entre légalité et responsabilité

Cependant, plusieurs sources institutionnelles affirment que les opérations ont été précédées d’avertissements et que des indemnisations ont bien été versées à certaines familles, bien que certains bénéficiaires aient choisi de ne pas le révéler publiquement. Par ailleurs, des cas de spéculation foncière ont été identifiés : des personnes auraient vendu illégalement des terrains en sachant que les constructions édifiées seraient tôt ou tard démolies.

Dans ce contexte, les autorités estiment que ces déguerpissements s’inscrivent dans une volonté de remettre de l’ordre dans un tissu urbain dégradé, sur des terrains publics ou à haut risque, parfois occupés sans titre légal. Pour l’État, ces actions relèvent d’une nécessité républicaine dans le cadre du redressement de l’autorité publique et de la relance de l’aménagement urbain.

Appel à une commission d’enquête et à des mesures de réparation

Le REDHAC a salué l’initiative du député Ella Engonga – membre du réseau – qui a déposé à l’Assemblée nationale une demande de commission d’enquête parlementaire sur les conditions de ces expulsions. Il espère ainsi que la lumière sera faite sur les éventuelles violations et que des mesures correctives seront prises.

L’organisation demande également la mise en place urgente d’un dispositif de logement provisoire pour les familles sinistrées, en particulier celles qui louaient des habitations et se retrouvent aujourd’hui sans abri, dans un contexte économique déjà précaire.

Des principes internationaux pour encadrer l’action publique

Le REDHAC s’est appuyé sur les principes directeurs de l’ONU relatifs aux expulsions forcées, reconnus par le Conseil des droits de l’homme depuis 2007. Ces textes soulignent que de telles opérations ne doivent jamais conduire à des violations graves des droits humains, et doivent respecter des garanties fondamentales : notification préalable, consultation des populations concernées, relogement adéquat, indemnisation juste, assistance juridique, et exécution respectueuse de la dignité humaine.

Restaurer l’autorité sans sacrifier l’humanité

À l’heure où le Gabon cherche à réinventer sa gouvernance à travers la 5e République, cette crise sociale met en lumière le besoin de concilier deux exigences légitimes : celle de l’ordre, de la sécurité foncière et de la planification urbaine, et celle du respect de la dignité et des droits fondamentaux.

« La restauration de la dignité des Gabonais », souvent invoquée par les plus hautes autorités, ne saurait être dissociée d’une approche humaine et inclusive du développement, affirme le REDHAC. Le défi est immense, mais incontournable pour espérer une refondation durable et juste de l’État gabonais.