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Le débat de Missélé eba’a : « Le coup d’État permanent n’aura pas lieu au Gabon.  » Par Télesphore Obame Ngomo.  

Libreville, le 06 octobre 2025. En mai 1964, François Mitterrand publiait un essai intitulé « Le coup d’État permanent ». Dans cet ouvrage, il critique vertement la politique du Général de Gaulle qu’il accuse d’avoir trop de pouvoir, de s’être taillé une Constitution pour sa seule gloire et de marginaliser le Gouvernement et le Parlement. Ce qui n’était pas conforme à sa promesse d’être l’arbitre du jeu politique.  

C’est bien cette « concentration des pouvoirs » qui a été reprochée par certains acteurs politiques et publics au Président de la Transition lors du dialogue politique d’avril 2024 et qui les a amené à appeler à voter, en toute cohérence, pour le « NON » lors du Référendum de novembre 2024.

Autrement dit, on ne peut avoir été un partisan du «  NON » à la Nouvelle Constitution, où le principal argument était que le Président de la République concentrerait trop de pouvoir, se proclamer chantre de la démocratie et de l’enracinement de l’Etat de droit dans notre pays, et demander au Président de la République de devenir le deus ex machina qui, en dehors de toute règle de droit, prendrait un diktat pour annuler les élections législatives et locales parce qu’une minorité en « détresse politique légitime » l’aurait exigé. À ce niveau de l’analyse, il y a un problème de cohérence.  

En fait, cette situation nous impose de nous poser la bonne question quand bien même l’observateur averti ou le citoyen éclairé sait que le peuple reste un bon alibi pour cacher des ambitions personnelles de pouvoir et de puissance qui s’assumeront en solitaire et loin de ce peuple qui aura juste servi de piédestal.  

Que cache en réalité cette demande d’annulation des élections législatives et locales de certains acteurs politiques ? Pour les uns, on peut penser qu’ils souhaitent se donner une seconde chance pour ces élections qu’ils ont perdu. Pour les autres, ils voient déjà la loi remettre en cause l’existence de leur formation politique. L’une dans l’autre, il y a toujours une problématique personnelle qu’on veut résoudre. Ce qui est tout à fait légitime mais pas toujours républicain.  

Mais au-delà de ces aspects évoqués, il y a le besoin d’être en parfaite harmonie avec sa pensée et ses actions. Stephane Hessel, résistant français, écrivait « indignez vous ! ». Savoir dire NON, refuser que votre incohérence ne vous soit servie en plein visage quand bien même la vérité ou la pertinence serait de votre côté.  

À ceux là qui ont accepté, par opportunisme abject, les conditions d’existence d’un parti politique tel que proposées dans la nouvelle loi électorale, boivent aujourd’hui l’amertume de leur choix. Toutefois, la démocratie étant une réalité qu’on pense et améliore tout le temps, il convient de revenir, au nom de la paix sociale qui n’a pas de prix, de revenir sur cette question pourtant bien développée par Alain Claude Bilie by Nze que l’opinion publique bruyante et corrompue avait refusé d’écouter.

Un parti politique n’a pas pour vocation première d’avoir des élus, donc de simples représentants de ce qu’on nomme vulgairement le peuple, mais de vulgariser ses idées, sa conception de la vie en société, auprès d’un grand nombre de citoyens, le peuple luimême. Ce qui montre bien toute l’aberration de cette disposition, clairement antidémocratique.  

Imaginons un seul instant si en France on avait dissout le Front National dans les années 70-80 par manque d’élus quand on sait aujourd’hui qu’il représente un véritable refuge pour des millions de Français et une des principales forces politiques de ce pays démocratique.

Le débat peut maintenant être relancé puisqu’on vit aujourd’hui l’absurdité de cette disposition et ses effets néfastes pour la liberté des idées et la démocratie. Bref…  

Quand par ailleurs, l’une des plus grandes absurdités de ces élections législatives et locales est la fraude enregistrée, le manque de transparence dénoncée à certains endroits et le transport d’électeurs tant dénoncé sous l’ancien régime. Les faits ou les preuves irréfutables pullulent les plateformes numériques. N’ayant pas à ce jour le nombre de recours déposés devant la Cour constitutionnelle, seuls font foi, ceux qui ont été rendus publiques. Voici tout le problème de ce scrutin.  

Autant on ne devrait pas justifier l’annulation de toute l’élection du fait des cas identifiés, autant on ne devrait pas minimiser la résurrection de ce mal au regard du narratif qui avait conduit à la chute d’Ali Bongo Ondimba. Par conséquent, la loi est appelée à être sévère envers les auteurs des travers égrainés par les problèmes nommés. Il en va plus que jamais de la crédibilité du narratif ayant conduit au coup d’État d’août 2023 mais surtout celle de ses auteurs dont Brice Clotaire Oligui Nguema en est le symbole.  

C’est pourquoi, il aurait été pertinent qu’à ce stade du débat, les docteurs de la chose politique ou ceux autoproclamés de la pensée parfaite nous présentent des éléments tangibles, comme l’exige d’ailleurs la maîtrise de la méthodologie scientifique et des connaissances.  

Mais hélas, que du verbiage puéril ou de la parlotte stérile qui nous est servi. Il faut dire que la rhétorique est un art prisé de l’intellectuel, la casuistique aussi. Si l’un et l’autre plaisent agréablement à l’intellectuel qui se séduit de son moi sophiste, ils s’écrasent tous deux devant la praxis, la réalité imposante, qui elle est têtue.  

Où sont donc vos chiffres Docteur Éric Simon Nzue Obiang pour conforter votre volonté d’annuler ces élections au lieu de suggérer, conformément à la loi, de reprendre le vote dans les bureaux litigieux, étant vous-même partie prenante de ces élections, sans remettre en cause votre bonne foi politique et votre sens légendaire de l’objectivité?  

Demander au Président de la République d’annuler ces élections législatives et locales c’est accepter de créer un précédent nocif pour notre démocratie, c’est établir une  jurisprudence suicidaire pour l’état de droit dans notre pays et faire entrer le Gabon dans la spirale du coup d’État permanent. La République vous dit NON. Sinon qu’avons-nous alors reproché à Ali Bongo, à sa famille et à ce qu’on nomme abusivement l’ancien régime ? 

Par Télesphore Obame Ngomo.