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Gabon : quand les rebuts ferreux s’envolent vers l’Inde via Brazzaville, au détriment de l’industrie locale

Libreville, le 11 octobre 2025. Le Gabon, riche en ressources mais confronté à des défis industriels, voit ses déchets de fer s’échapper vers l’étranger, une situation qui fragilise ses projets d’infrastructure et met à l’épreuve sa politique de souveraineté industrielle.

Depuis plusieurs années, les rebuts ferreux, ces déchets métalliques issus de l’industrie et de la construction, devraient alimenter le marché local afin de produire du fer à béton, matière première essentielle aux grands projets d’infrastructure. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre : un flux conséquent de déchets de fer quitte le territoire gabonais, transite par le Congo-Brazzaville, et trouve sa destination finale en Inde, pays à forte demande métallurgique.

Une législation contournée

La loi gabonaise sur l’exportation des rebuts ferreux est claire : les exportations sont conditionnées à la satisfaction des besoins des industries locales. Objectif officiel : garantir que la matière première nécessaire à la production du fer à béton reste disponible pour soutenir la construction et l’industrialisation du pays.

Mais dans la pratique, plusieurs collecteurs et opérateurs commerciaux ont trouvé un filon lucratif à l’international. Selon des sources locales, des sites comme celui de Mîdoumbe servent de centres d’empotage pour des conteneurs destinés au Congo. Là, les rebuts sont reexportés vers l’Inde, souvent avec la complicité indirecte de certaines administrations censées réguler le commerce et l’industrie. La manne financière est tentante : le prix du fer en Inde est plus élevé qu’au Gabon, ce qui crée un arbitrage illégal.

Les conséquences pour l’industrie gabonaise

Cette fuite de matière première a des impacts immédiats et durables sur l’économie nationale. La rareté du fer à béton entraîne une hausse des coûts de production pour les entreprises locales et menace la réalisation des projets d’infrastructure majeurs portés par l’État. Paradoxalement, alors que le gouvernement avait négocié avec les industriels un prix réduit pour lutter contre la vie chère, cette situation risque de neutraliser ces efforts.

Le phénomène met également en lumière une contradiction entre la loi et sa mise en œuvre. Les industriels locaux peinent à obtenir des quantités suffisantes de fer pour leurs productions, tandis que des pays voisins et des marchés lointains profitent de ressources gabonaises destinées à l’économie nationale.

Une question de souveraineté économique

Au-delà de la simple économie, cette affaire touche à la souveraineté industrielle du Gabon. Les rebuts ferreux sont une ressource stratégique : les exporter illégalement revient à transférer une partie de la valeur ajoutée à l’étranger. Congo-Brazzaville, point de transit, bénéficie indirectement de cette manne, et l’Inde tire profit de matières premières gabonaises, sans contrepartie réelle pour le pays d’origine.

Pour endiguer ce phénomène, plusieurs pistes sont évoquées : un renforcement du contrôle douanier et administratif, la mise en place de sanctions dissuasives pour les exportateurs illégaux, et la promotion d’un circuit légal d’exportation garantissant que la priorité soit donnée aux besoins des industries locales. Certains analystes préconisent également la création d’un marché intérieur dynamique pour les rebuts ferreux, avec des prix attractifs, afin de réduire l’attrait des marchés étrangers.

Le temps de l’action

L’alerte est claire : si rien n’est fait, le Gabon pourrait voir se creuser un déficit structurel en fer à béton, ralentissant ses ambitions de modernisation urbaine et d’industrialisation. Dans un contexte où l’État gabonais multiplie les projets d’infrastructure et entend contenir la vie chère, laisser s’échapper des matières premières stratégiques vers l’Inde via le Congo revient à saboter ses propres efforts.

La balle est désormais dans le camp du gouvernement : protéger l’industrie locale n’est plus une option, mais une nécessité. Car derrière chaque conteneur de rebuts ferrreux exporté illégalement, c’est un morceau de l’avenir industriel du Gabon qui s’éloigne.