Par Docteur Emmanuel Thierry KOUMBA, Enseignant à l’UOB et à EM-Gabon

Introduction
Jamais, depuis le 30 août 2023, le Gabon n’avait semblé retomber aussi bas dans ses travers politiques. Les élections législatives et locales couplées de septembre 2025, censées traduire la maturité démocratique du pays, se sont révélées être un désastre sans précédent. Fraudes massives, manipulations grossières, intimidations : tout y est passé. Dans cette atmosphère d’indignation, une question brûle toutes les lèvres : où est la voix du président de la République ?
Une mascarade électorale insoutenable
On ne peut pas tourner autour du pot : ce scrutin est une honte nationale. Dans des dizaines de bureaux de vote, des électeurs morts ont « ressuscité » pour voter, des isoloirs ont disparu, des représentants de candidats ont été expulsés, et des bulletins ont manqué. Dans certains cas, les urnes ont été purement et simplement cassées.
Ce qui aurait dû être une célébration de la souveraineté populaire s’est transformée en une caricature électorale. Le peuple gabonais, qui avait placé ses espoirs dans le renouveau promis après la libération du 30 août, voit aujourd’hui ses rêves trahis.
Le silence présidentiel : une erreur stratégique
Monsieur le Président, votre silence est assourdissant. Dans un régime présidentiel, vous êtes le garant de l’État. Vous ne pouvez pas laisser prospérer cette farce électorale sans réagir. Gouverner ne consiste pas à s’appuyer sur des députés mal élus, mais à préserver la dignité du pays et l’unité du peuple.
Votre popularité, bâtie sur un coup de libération salué par tous, ne doit pas être dilapidée à cause de scrutins manipulés. Vous n’avez pas besoin d’une Assemblée acquise pour gouverner : le peuple vous a donné une légitimité écrasante. Mais ce peuple exige aujourd’hui une fermeté exemplaire.
Le vice-président, un contre-exemple
À cela s’ajoute une incongruité institutionnelle : l’attitude du vice-président Séraphin MOUNDOUNGA. En se livrant à une campagne partisane et en soutenant publiquement le ministre de l’Intérieur contre l’opposition, il s’est disqualifié dans son rôle. Un vice-président censé assurer l’intérim du chef de l’État ne peut pas se transformer en militant de parti. C’est une faute politique grave.
Des mesures indispensables
Monsieur le Président, l’histoire vous observe. Vous avez l’occasion de redresser la trajectoire. Pour cela, quelques mesures s’imposent :
- L’annulation totale des élections couplées ;
- Le maintien provisoire du Parlement de transition ;
- La mise en place d’un organe électoral autonome et crédible ;
- La tenue de nouvelles élections transparentes en 2026.
Conclusion
Il n’y a pas de demi-mesure possible. Soit vous agissez pour défendre la vérité des urnes, soit vous laissez la corruption électorale enterrer l’espoir né il y a deux ans. Le Gabon a besoin d’un président courageux, pas d’un spectateur. Aujourd’hui, Monsieur le Président, c’est votre parole et vos actes qui sauveront ou condamneront notre démocratie. L’heure n’est plus au calcul, mais au sursaut.