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Gabon : la Taxe forfaitaire d’habitation, levier clé du budget 2026 pour financer la décentralisation

Par Thierry Mocktar.

Dans un contexte de raréfaction des ressources publiques, l’État gabonais mise sur la Taxe forfaitaire d’habitation (TFH), introduite dans la Loi de finances 2026, pour renforcer le financement des collectivités locales et relancer certains projets structurants hérités de la transition. Une réforme fiscale controversée, mais stratégique.

Un État sous tension budgétaire

À l’issue de l’exercice budgétaire 2025, marqué par un assèchement notable des ressources financières, le Gabon fait face à un impératif majeur : mobiliser des fonds propres afin d’assurer la continuité des services publics essentiels et soutenir les ambitions de développement du pays.

C’est dans ce contexte que la Loi de finances 2026 consacre l’entrée en vigueur, dès janvier 2026, de la Taxe forfaitaire d’habitation (TFH), récemment adoptée par les députés de la 14ᵉ législature. Une mesure fiscale qui suscite de vives réactions au sein de l’opinion publique, tant sur la méthode d’adoption que sur son impact social.

Deux objectifs affichés par les pouvoirs publics

La mise en œuvre de la TFH s’inscrit dans une double logique.

D’une part, il s’agit de relancer les chantiers publics engagés durant la période de transition, aujourd’hui à l’arrêt pour la plupart. Plusieurs entreprises adjudicataires se trouvent en difficulté, faute de trésorerie suffisante, compromettant l’achèvement de projets structurants.

D’autre part, la taxe vise à renforcer les capacités financières des collectivités locales, conformément à la politique de décentralisation promue par les autorités de la transition. L’objectif affiché est de doter les communes et entités locales de ressources supplémentaires destinées à leur fonctionnement et à la mise en œuvre des politiques publiques de proximité.

Qui est concerné par la Taxe forfaitaire d’habitation ?

La TFH s’applique aux propriétaires de biens immobiliers bâtis, qu’ils soient occupants ou non, et ce, qu’il s’agisse d’habitations, de locaux commerciaux, de bureaux ou d’autres usages assimilés.

Le montant de la taxe est forfaitaire et varie selon les zones géographiques, en fonction du niveau d’urbanisation et de l’offre de services disponibles. Il oscille entre 1 000 francs CFA et 30 000 francs CFA.

Des exonérations prévues

Les autorités précisent toutefois que plusieurs catégories sont exemptées du prélèvement. Il s’agit notamment :

des zones rurales ;

des bâtiments publics ;

des établissements scolaires (écoles, internats, universités, campus) ;

des lieux de culte ;

des ménages détenteurs de compteurs sociaux.

Ces exemptions visent à limiter l’impact de la mesure sur les populations les plus vulnérables et sur les services d’intérêt général.

Une réforme fiscale au cœur de la stratégie budgétaire

Pour le gouvernement, la Taxe forfaitaire d’habitation constitue un outil de mobilisation des ressources internes, indispensable au financement de la dépense publique et à la consolidation du processus de décentralisation.

Reste à savoir si cette réforme, perçue par certains comme une charge supplémentaire dans un contexte économique déjà contraint, parviendra à produire les effets escomptés sans accentuer les tensions sociales.

Une réforme encore en discussion au Parlement

Si la Taxe forfaitaire d’habitation apparaît comme l’un des piliers du dispositif budgétaire envisagé pour 2026, son adoption définitive n’est pas encore acquise. Lors de l’examen du projet de Loi de finances, plusieurs députés ont exprimé des réserves, pointant notamment les risques d’inégalités territoriales et de pression fiscale accrue sur certaines catégories de ménages.
Des amendements et propositions d’ajustement ont ainsi été formulés afin de rendre le mécanisme plus équitable et mieux adapté aux réalités socioéconomiques du pays. L’objectif affiché par les parlementaires est de concilier les impératifs de mobilisation des ressources publiques avec la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des populations.
Dans ce cadre, le débat parlementaire en cours témoigne d’une volonté de parfaire le dispositif, sans remettre en cause le principe d’une contribution destinée à soutenir la décentralisation et le financement des politiques publiques locales.

Thierry Mocktar