Libreville, 05 octobre 2025. Il est des prises de parole qui marquent un tournant dans le débat public. La réplique de l’ancien Premier ministre Raymond Ndong Sima aux déclarations du vice-président de la République, Séraphin Moudounga, en fait partie. Derrière ce duel d’arguments, c’est bien la crédibilité du processus électoral gabonais et la solidité du pacte républicain qui sont en jeu.

En effet, dans une déclaration d’une rare intensité, Ndong Sima s’est livré à un exercice de clarification minutieux. Reprenant point par point les accusations du vice-président, il a démonté ce qu’il qualifie de « lecture biaisée et opportuniste » de son précédent communiqué. L’ancien chef du gouvernement souligne que son analyse du scrutin se limitait à des constats généraux : composition contestée des bureaux de vote, absence de scrutateurs pour certains partis, transhumance électorale, listes encore entachées de noms fictifs ou de personnes décédées, et usage excessif des procurations. « Nulle part, je n’ai incité à la haine ni à la violence », martèle-t-il, rappelant que ces critiques sont partagées par plusieurs formations politiques et même par l’Autorité de contrôle des élections.
Un procès en tribalisme jugé « infondé et dangereux »
Mais le cœur de sa réplique vise surtout l’accusation de tribalisme formulée par Séraphin Moudounga. À ses yeux, cette attaque est « nulle et non avenue ». Pour Ndong Sima, le vice-président, en cherchant à confiner l’Alliance patriotique dans une dimension communautaire, commet soit une erreur d’appréciation liée à une mauvaise information, soit une manipulation délibérée aux relents dangereux.
Il rappelle à ce titre son propre parcours institutionnel : au ministère de l’Agriculture comme à la primature, ses proches collaborateurs venaient de diverses régions du pays. Une manière d’opposer des faits tangibles à une accusation qu’il juge irresponsable : « Le pays n’a pas besoin de ça. Le tribalisme, ailleurs, a fait des ravages. Nous devons nous en préserver. »
Un plaidoyer pour un scrutin crédible
Au-delà de la polémique personnelle, Ndong Sima replace le débat dans une perspective plus large : celle de l’avenir démocratique du Gabon. Il souligne l’impréparation du scrutin, confirmée selon lui par les inquiétudes initiales du chef de l’État lui-même. La composition des bureaux, le choix des scrutateurs, les protestations et les tensions observées sur le terrain sont autant de signes d’un processus électoral fragilisé.
« Dire que le scrutin n’était pas acceptable, ce n’est pas s’opposer au président de la République, c’est rester loyal aux principes républicains », insiste-t-il. Pour l’ancien Premier ministre, seule une reprise intégrale des élections, après correction des manquements et sanction des responsables, permettra de restaurer la confiance des citoyens et de protéger la crédibilité de la transition démocratique.
Un avertissement républicain
Loin d’un règlement de comptes personnel, la sortie de Raymond Ndong Sima s’inscrit dans un cadre institutionnel assumé. Il rappelle avoir soutenu le chef de l’État durant la transition et continue de lui accorder sa loyauté. Mais, dit-il, « mon soutien n’a pas pour corollaire la cécité ; il impose au contraire une obligation de vérité et de sincérité. »
Notre éditorial prend alors une portée plus universelle : il s’agit d’un rappel salutaire que la démocratie ne se nourrit pas de complaisance mais de rigueur, de courage et d’éthique. Le vivre-ensemble, le respect mutuel et la loyauté aux principes doivent, selon Ndong Sima, demeurer le socle de la République.
Un débat révélateur
Au final, cette confrontation entre un ancien Premier ministre et l’actuel vice-président illustre deux visions de la parole publique : l’une, soucieuse de transparence et de rectitude institutionnelle ; l’autre, perçue comme superficielle et opportuniste.
Dans un contexte où le Gabon cherche à tourner définitivement la page des errements électoraux, l’appel de Raymond Ndong Sima résonne comme un avertissement : persister dans l’erreur, c’est fragiliser le socle républicain. Revenir aux principes de transparence et d’équité, c’est au contraire donner à la démocratie gabonaise la chance de s’affermir.
Cet éditorial est républicain donc, qui invite à dépasser les querelles pour recentrer le débat sur l’essentiel : la vérité des urnes et la pérennité de la démocratie.