Par Piaco la plume de Globe infos.
Il existe sur nos routes un mal silencieux, quotidien, presque banal : l’usage dévoyé du clignotant. Ce qui devait être un geste de courtoisie et un pacte de sécurité s’est transformé, pour certains conducteurs, en instrument d’injonction. Un ordre lancé à la dernière seconde, comme si la lumière orange suffisait à imposer le passage : « Écarte-toi, j’ai mis le clignotant ! »
Cette dérive n’a rien d’anodin. Elle révèle un malaise profond dans notre culture routière.

Le clignotant n’a jamais été un droit de priorité
Dans le tumulte des circulations urbaines, beaucoup ont fait du clignotant un sésame imaginaire, un passe-droit auto-proclamé. Pourtant, le Code de la route, qu’il s’agisse des référentiels africains ou des standards internationaux, est formel :
Le clignotant est un signal d’intention, pas un titre de priorité.
Il indique une volonté.
Il n’autorise pas la manœuvre.
Il prépare la manœuvre.

Confondre signal et droit revient à transformer la prévention en provocation.
La règle technique : minimum 30 mètres, pas moins
Pour être utile et intelligible, le clignotant doit être activé à temps. Les référentiels comme le Code Rousseau, largement utilisé en Afrique francophone, sont clairs :
En agglomération : activer le clignotant au moins 30 mètres avant la manœuvre.
Hors agglomération : anticiper encore davantage.

À l’inverse, déclencher son clignotant à 3, 5 ou 10 mètres n’informe personne : cela contraint l’autre conducteur à réagir dans l’urgence.
C’est substituer l’agressivité au civisme.
Accident ? La responsabilité ne fait aucun doute
Les experts en accidentologie sont unanimes : en cas de collision liée à un changement de voie tardif, le conducteur qui se rabat trop vite est tenu responsable.
La présence du clignotant ne constitue jamais une excuse.
Pourquoi ? Parce qu’un clignotant n’a aucune valeur s’il n’est pas accompagné d’une vérification de la sécurité et du respect des distances.
Un clignotant mal utilisé, c’est l’illusion de la conformité. Une lumière qui rassure celui qui l’allume, mais pas celui qui la subit.

Un symptôme qui dépasse la route
Cette dérive routière traduit une réalité sociétale plus large :
- Une formation insuffisante, qui enseigne à conduire, mais pas toujours à partager l’espace.
- Une impatience chronique, nourrie par les embouteillages.
- Une culture de l’injonction, où l’on exige plus qu’on ne demande.
- Un déficit de discipline collective, où les règles écrites s’effacent devant les habitudes mauvaises.
Comme souvent, ce ne sont pas les textes qui manquent : ce sont les comportements qui dérapent.

Que retenir ?
Retenir ceci :
À 30 mètres, le clignotant informe.
À 3 mètres, il agresse.
À 0 mètre, il met en danger.
Le clignotant n’est ni une arme, ni un passe-droit, ni une priorité déguisée.
C’est un signal d’engagement moral : le rappel que la route est un espace partagé, non un terrain de domination.
Si nous voulons des routes plus sûres, il faudra redonner au clignotant son rôle premier : annoncer, communiquer, protéger jamais imposer.
