Par Thomas René.
le 20 mai 2025. Libreville
Alors que tant de différends territoriaux dans le monde dégénèrent en tensions armées ou en conflits gelés, le Gabon et la Guinée équatoriale ont fait un choix courageux : celui du droit. En s’en remettant à la Cour internationale de Justice pour trancher une querelle de souveraineté vieille de plusieurs décennies, les deux États africains montrent l’exemple d’un règlement pacifique, mûr et porteur d’espoir. À l’issue de cette décision historique rendue le 19 mai 2025, c’est toute une région qui peut entrevoir un avenir plus apaisé.

Une décision historique, une démarche exemplaire
Ce lundi 19 mai 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu son arrêt dans l’affaire de la délimitation terrestre et maritime opposant le Gabon et la Guinée équatoriale. À la clé : la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga, ainsi que la définition du point de départ des frontières terrestres et maritimes entre les deux pays.

Mais au-delà des considérations juridiques, c’est la démarche elle-même qui marque les esprits : deux États africains qui choisissent de soumettre un différend complexe et sensible à l’autorité du droit international, sans menaces ni affrontements, mais dans le respect mutuel.
Ni vainqueur, ni vaincu : la paix comme seul verdict
L’arrêt de la CIJ, sans appel et juridiquement contraignant, tranche avec clarté :
La « convention de Bata », invoquée par le Gabon, n’est pas reconnue comme un traité juridiquement contraignant.
La souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga revient à la Guinée équatoriale, au titre de la succession du Royaume d’Espagne en 1968.
La convention franco-espagnole de 1900 est reconnue comme base légale pour la frontière terrestre.
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 s’appliquera pour la future délimitation maritime.
Une lecture rapide pourrait y voir une victoire équato-guinéenne. Ce serait passer à côté de l’essentiel : aucune paix ne peut naître sans reconnaissance partagée du droit. En acceptant cette voie, le Gabon montre une élégance diplomatique et une volonté de clore un chapitre dans l’honneur.

Un précédent inspirant pour le continent
Ce règlement pacifique donne l’exemple. En Afrique, où plusieurs différends frontaliers persistent — souvent hérités de la période coloniale — le recours à la justice internationale reste trop rare. L’attitude des deux pays vient rappeler que la souveraineté se défend aussi par le dialogue et l’arbitrage.
Au lieu d’alimenter l’instabilité ou les surenchères nationalistes, Libreville et Malabo ont posé un acte de foi dans l’État de droit. Et ce geste, dans un contexte mondial de tensions croissantes, mérite d’être salué.
Des accords possibles, un avenir à construire
La décision de la CIJ ne clôt pas tout : elle ouvre surtout un champ de coopération. Les deux pays devront désormais :
Traduire juridiquement l’arrêt dans leurs textes nationaux,
Délimiter techniquement la frontière maritime,
Établir des accords de mise en œuvre, notamment en matière de sécurité, d’exploitation des ressources naturelles ou de navigation.
Plutôt que des îles de discorde, Mbanié, Cocotiers et Conga peuvent devenir des espaces partagés, symboles de dépassement et de co-développement.

L’Afrique gagne quand ses États choisissent le droit
Ce 19 mai, le continent africain n’a pas simplement assisté au règlement d’un différend. Il a vu deux nations affirmer, par l’exemple, qu’il existe un chemin africain vers la paix : celui de la souveraineté assumée, du respect du droit, et de la coopération par la justice.
Le Gabon et la Guinée équatoriale n’ont pas seulement évité le conflit. Ils ont écrit, ensemble, une page de fierté diplomatique.
À RETENIR
Date clé : 19 mai 2025
Lieu : Cour internationale de Justice, La Haye
Pays concernés : Gabon et Guinée équatoriale
Objet du litige : Délimitation terrestre et maritime ; souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga
Décision majeure :
Souveraineté sur les trois îles attribuée à la Guinée équatoriale
Rejet de la validité juridique de la « convention de Bata »
Validation des titres coloniaux de 1900 et du droit de la mer de 1982
Conséquence diplomatique : un précédent pacifique et exemplaire pour l’Afrique
Prochaine étape : Accords de mise en œuvre et coopération bilatérale renforcée.