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CNAMGS : le choc des pouvoirs et le vertige des institutions

PAR Piaco la plume.

Au Gabon, les institutions publiques révèlent parfois leurs fissures dans le fracas des décisions. Le récent épisode survenu à la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) en est une éclatante illustration.
La suspension, à titre conservatoire, de la Directrice générale par le Conseil d’administration (CA) a ouvert un débat brûlant : jusqu’où vont les pouvoirs du Conseil ? Et où s’arrêtent ceux de la tutelle politique ?

Le droit dit : oui, mais…

En droit administratif gabonais, la règle est claire. Le Conseil d’administration détient un pouvoir de contrôle et de régulation sur la gestion du Directeur général. Il peut, dans des cas précis, prononcer une suspension conservatoire pour faute grave, dérive managériale ou manquement répété à la bonne gouvernance.
Mais cette suspension n’est qu’une mesure temporaire, non une révocation.
La décision finale appartient à la tutelle, c’est-à-dire à l’État, souvent incarné par le Président de la République, sur proposition du ministre compétent.
Le CA agit donc comme un garde-fou, non comme un juge.

Pourtant, à la CNAMGS, le feu couve

Car au-delà du droit, il y a la perception politique et institutionnelle. La décision du CA, présidé par Alain-Claude Kouakoua, de suspendre la Directrice générale, a provoqué un séisme silencieux dans l’administration gabonaise.
Faut-il y voir un acte d’autorité légitime ou un abus de pouvoir déguisé ?
Les partisans du premier camp invoquent la rigueur et la transparence.
Les seconds dénoncent une dérive inquiétante : celle d’un Conseil d’administration qui outrepasse sa fonction de supervision pour se muer en instance disciplinaire, voire en substitut de l’État.

Quand l’équilibre des pouvoirs vacille

La CNAMGS n’est pas un cas isolé. Elle incarne un malaise plus large, celui d’une administration publique à la croisée des chemins, où le partage des responsabilités devient flou.
Entre les directeurs généraux nommés par décret présidentiel et les conseils d’administration investis d’un pouvoir de contrôle, la ligne est fine.
Trop fine, parfois.
Quand le CA s’arroge le droit de suspendre sans validation préalable, et que le DG conteste ouvertement la mesure, c’est l’image même de la cohérence administrative qui vacille.

L’État doit trancher

Faut-il laisser perdurer cette ambiguïté ?
Peut-on tolérer que des instances de gestion, conçues pour encadrer, se substituent aux instances de nomination ?
Ou faut-il au contraire renforcer leur pouvoir pour garantir une gouvernance exemplaire ?

Une chose est certaine : la clarification s’impose.
Les textes fondateurs, notamment la loi n°1/96 du 13 février 1996, méritent une révision lucide, afin de préciser les frontières entre contrôle administratif et pouvoir hiérarchique.
Car l’équilibre entre les deux fonde la stabilité de nos institutions.

Aujourd’hui la CNAMGS, demain qui ?

C’est la question qui hante les couloirs des ministères.
Aujourd’hui, la CNAMGS.
Demain, peut-être une autre entité publique, un autre DG pris dans la même tourmente.
Faudra-t-il se soumettre aux dictats de conseils devenus trop puissants ?
Ou laisser s’installer une anarchie juridique, où chacun interprète la loi selon sa convenance ?

L’État gabonais doit répondre. Non par un communiqué, mais par une réforme profonde.
Car gouverner, c’est prévenir le désordre avant qu’il ne devienne la norme.

En définitive, il faut le courage de réformer

Ce qui se joue à la CNAMGS dépasse une simple querelle de pouvoir.
C’est la crédibilité du modèle administratif gabonais qui est en jeu.
Entre autorité et abus, contrôle et ingérence, l’équilibre est fragile.
Il faut désormais choisir :
soit une administration soumise au droit, encadrée, modernisée, soit une administration livrée aux rapports de force internes, où la légalité cède à la logique du pouvoir.

L’histoire retiendra non pas la suspension, mais la leçon institutionnelle qu’en tirera le Gabon.