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AGASA : Une gouvernance sous question et des pratiques qui susciteraient des interrogations

Par Thomas René. Libreville, 18 juin 2025.

Selon diverses sources internes et documents consultés, la gestion actuelle de l’Agence Gabonaise de Sécurité Alimentaire (AGASA) sous la direction du Dr Jean Delors Biyogue Bi Ntougou soulèverait de nombreuses interrogations. Recrutements présumés non conformes, ventes de matériel sans encadrement clair, stagnation de projets structurants, autant d’éléments qui, s’ils étaient avérés, pourraient refléter une gouvernance en décalage avec les exigences réglementaires et opérationnelles attendues d’un tel organisme.

Analyse

L’AGASA, en charge de la sécurité sanitaire et phytosanitaire des aliments au Gabon, traverserait une période d’instabilité, marquée par des choix de gestion qui, selon plusieurs sources, ne respecteraient pas systématiquement les procédures établies. L’examen de certaines décisions récentes mettrait en lumière un fonctionnement administratif jugé irrégulier par certains observateurs.

Recrutements : un processus qui serait contesté

D’après les propos tenus en conférence de presse, le Directeur Général aurait initié une série de recrutements. Toutefois, des sources internes laisseraient entendre que près de 80 % des agents nouvellement intégrés ne correspondraient pas aux corps de métier de l’agence. Environ 60 recrutements auraient ainsi été effectués sans adéquation avec les besoins techniques de l’institution, ce qui pourrait poser problème au regard des exigences en matière d’inspection sanitaire. Ces agents auraient reçu une formation limitée à trois heures sur les Bonnes Pratiques d’Hygiène (BPH), une durée que certains jugeraient insuffisante pour exercer des fonctions aussi techniques.

Une situation budgétaire qui prêterait à débat

Entre 2019 et 2023, sous la direction de Mme Alia Maganga Moussavou, l’AGASA aurait apuré une dette sociale estimée à 600 millions de FCFA. Sous la direction actuelle, cette dette pourrait avoisiner aujourd’hui les 900 millions de FCFA, à en croire les déclarations faites lors d’un point presse. Par ailleurs, des interrogations existeraient sur le paiement effectif des cotisations sociales depuis l’arrivée du nouveau management. En 2024, un budget de 4 milliards FCFA aurait été adopté alors que les recouvrements n’auraient atteint que 2,6 milliards. Malgré cette contre-performance, un budget prévisionnel de 4,6 milliards FCFA aurait été proposé pour 2025, sans qu’aucune réforme structurelle ne soit, à ce jour, identifiable.

Gestion des moyens roulants : une procédure opaque présumée

L’agence aurait acquis entre 2023 et 2024 un total de 17 véhicules, dont une majorité sous la direction de Mme Maganga Moussavou. Toutefois, à l’arrivée du nouveau Directeur Général, la quasi-totalité de cette flotte aurait été mise en vente. Des témoignages internes évoqueraient des ventes effectuées sans encadrement légal visible, en l’absence d’huissier ou d’appel public, et sous la supervision d’un conseiller proche du Directeur Général. Aujourd’hui, seuls cinq véhicules seraient encore en état de service, ce qui réduirait la capacité de déploiement de l’agence sur le terrain.

Projets stratégiques en veille ?

Plusieurs projets phares lancés entre 2019 et 2023, tels que la création de nouvelles délégations provinciales, le renforcement des postes d’inspection frontaliers, ou encore la mise en place de campagnes de sensibilisation, seraient aujourd’hui à l’arrêt ou ralentis. Le laboratoire d’analyses alimentaires, la plateforme de transbordement d’Eboro ou encore le numéro vert de veille sanitaire ne seraient plus opérationnels, selon certains agents. L’absence d’entretien du matériel ou de paiement de prestataires pourrait en être la cause.

Concernant les équipements frontaliers, le Directeur Général aurait affirmé l’absence de kits de détection rapide, alors que d’autres sources soutiendraient qu’ils avaient bel et bien été installés et utilisés auparavant. Le manque de politique de gestion des réactifs et la non-maintenance des équipements pourraient expliquer leur non-fonctionnement actuel.

Certification et gouvernance : des objectifs contrariés ?

L’objectif de certification ISO 9001:2015 ainsi que l’accréditation du laboratoire à la norme ISO 17020:2012, initiés sous la précédente direction, seraient actuellement en suspens. Des éléments consultés suggéreraient que les procédures internes ne seraient pas systématiquement respectées par la direction actuelle, ce qui compromettrait potentiellement l’avancement du processus de certification. L’adjoint au DG aurait été critiqué pour avoir appliqué les procédures réglementaires lors d’inspections, tandis que d’autres actes internes, notamment des recrutements, auraient été réalisés sans respect des normes en vigueur.

Une gouvernance à revoir ?

À en croire plusieurs observateurs et documents internes, la difficulté principale de l’AGASA ne résiderait pas dans son budget, mais plutôt dans un mode de gouvernance perçu comme inadapté. Le Directeur Général actuel serait accusé, à tort ou à raison, de ne pas disposer des compétences managériales et techniques pour diriger une structure aussi stratégique. Ces critiques, si elles étaient fondées, pourraient mettre en péril les missions sanitaires confiées à l’agence.

Un épisode récent, rapporté par plusieurs sources, ferait état d’un refoulement du DG à l’aéroport de Libreville, alors qu’il tentait de se rendre à Paris sans déclarer une somme de 4 millions de FCFA. Pendant cette absence, l’intérim aurait été confié à la déléguée qualité, bien que l’AGASA disposerait d’une hiérarchie clairement définie pour ce type de situation.

En définitive , une évaluation externe souhaitable ?

À la lumière des éléments présentés – sous réserve de vérification complète – il apparaîtrait nécessaire d’engager une évaluation indépendante de la gestion de l’AGASA. La sécurité sanitaire des aliments constitue un enjeu public majeur, qui requiert transparence, rigueur et respect strict des normes. Si les faits évoqués se confirmaient, ils pourraient justifier une réforme urgente de la gouvernance et un réajustement stratégique afin de restaurer la confiance des usagers, partenaires et agents de cette institution.

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