Par Thierry Mocktar
Le Parquet de Paris a ouvert une enquête judiciaire pour vol d’uranium au Niger, à la suite de la disparition de près de 1 000 tonnes de minerai nucléaire provenant de gisements autrefois exploités par le groupe français Orano (ex-Areva), dans le nord du pays. Selon une information révélée par Franceinfo le vendredi 19 décembre 2025, cet uranium, estimé à 160 millions d’euros, aurait été transféré vers la Russie.

Confirmée par le Parquet de Paris, l’enquête porte sur des faits qualifiés de vol en bande organisée, susceptibles d’avoir été commis au profit d’une puissance étrangère. Compte tenu de la sensibilité stratégique du dossier, les investigations ont été confiées à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), compétente en matière de risques d’ingérence et de protection du patrimoine économique français.
Une plainte déposée par Orano
Selon Franceinfo, la procédure a été ouverte en août 2025, à la suite d’une plainte déposée par Orano, exproprié par les autorités nigériennes après le coup d’État militaire de juillet 2023. Le nouveau pouvoir, dirigé par le général Abdouramane Tiani, avait alors annoncé la nationalisation des gisements d’uranium, invoquant le « droit légitime du Niger à exploiter ses ressources naturelles ».

Le régime militaire a depuis fait savoir son intention de mettre l’uranium nigérien sur le marché international. Toutefois, selon plusieurs sources citées par Franceinfo, seule la Russie aurait manifesté un intérêt concret, et disposerait des capacités techniques nécessaires à son exploitation. Une affirmation contestée par Orano, qui rappelle qu’un arbitrage international rendu en septembre 2025 interdit au Niger de vendre ou de transporter cet uranium.
Des mouvements sous escorte militaire
D’après les informations recueillies par les enquêteurs, le minerai aurait été acheminé par camions sous escorte de l’armée nigérienne depuis le site d’Arlit jusqu’à Niamey, en vue d’un transfert vers le port de Lomé, au Togo, via le Burkina Faso. Un itinéraire jugé préoccupant par plusieurs experts sécuritaires, certaines zones traversées étant sous l’influence de groupes armés liés à Al-Qaïda.
Un précédent au Gabon ?
Cette affaire fait écho à une polémique récente au Gabon, où le groupe français Eramet avait évoqué, avant de se rétracter, la disparition de 40 000 tonnes de manganèse au port d’Owendo, impliquant sa filiale locale Comilog. Bien que les deux dossiers diffèrent par leur nature et leur ampleur, ils soulèvent des interrogations sur la sécurisation des ressources stratégiques françaises en Afrique, dans un contexte de recomposition géopolitique accélérée.
Un dossier à forts enjeux géopolitiques
Au-delà de la dimension judiciaire, l’affaire de l’uranium nigérien illustre les tensions croissantes entre Paris et Niamey, sur fond de rivalités internationales et de repositionnement stratégique de plusieurs États sahéliens vers la Russie. Pour la France, l’enjeu est à la fois économique, sécuritaire et diplomatique, l’uranium nigérien ayant longtemps constitué un pilier de son approvisionnement nucléaire civil.
Thierry Mocktar
Source : Franceinfo
