ÉDITORIAL : La fin du surplomb
Par Thomas René pour Globe infos
L’annulation des 51ᵉ Assises internationales de l’Union de la Presse Francophone (UPF), initialement prévues à Libreville du 19 au 23 janvier prochain, n’est ni un incident diplomatique ni un simple échec organisationnel. C’est un fait politique majeur. Un révélateur brutal d’une dérive inquiétante : celle d’une organisation internationale qui, au nom de son prestige, s’est autorisée à ignorer la loi d’un État souverain.

En effet, derrière les communiqués feutrés et les explications technocratiques, une réalité s’impose : le Bureau international (BI) de l’UPF a tenté d’imposer au Gabon une exigence financière juridiquement illégale, puis a choisi l’épreuve de force lorsque l’État a refusé de se placer hors la loi.
Ce qui s’est produit à Libreville n’est pas une incompréhension. C’est un abus.

150 000 euros ou l’annulation : le chantage comme mode opératoire
Les faits sont précis, établis et documentés. À quelques semaines de l’événement, le Bureau international modifie unilatéralement la convention initiale et introduit une exigence nouvelle : le versement de 150 000 euros sur un compte bancaire domicilié en France, présenté comme une condition impérative à la tenue des Assises.
Cette demande est incompatible avec les règles de la comptabilité publique gabonaise, qui prohibent tout virement direct de fonds publics vers un compte privé étranger sans cadre légal spécifique. En clair, accéder à cette exigence aurait exposé les responsables publics à des sanctions disciplinaires et pénales.
Face à cet obstacle juridique, le Gabon a proposé une alternative responsable : une prise en charge logistique complète, transparente, traçable, conforme au droit national. Une solution moderne, conforme aux standards de bonne gouvernance.
Elle a malheureusement été rejetée sans discussion.
Le message du BI est limpide : payez comme exigé, ou l’événement n’aura pas lieu.

Quand une organisation de presse foule aux pieds la légalité
La contradiction est saisissante. Une organisation qui se réclame de la liberté de la presse, de l’éthique et de la bonne gouvernance refuse la transparence financière, méprise le droit national et oppose ses statuts internes à la loi d’un État.
En agissant ainsi, le Bureau international de l’UPF ne défend ni la francophonie ni le journalisme. Il défend un privilège. Celui d’un pouvoir informel hérité d’un temps où certaines capitales africaines étaient sommées d’obéir sans questionner, de payer sans contrôler, d’accueillir sans exiger de comptes.
Ce temps est terminé.

Le réflexe du surplomb colonial
Cette crise révèle un vieux réflexe : celui du surplomb institutionnel. L’idée qu’une organisation internationale serait par essence intouchable, au-dessus des lois nationales, dispensée de toute adaptation juridique au nom de la coopération culturelle.
Le BI de l’UPF a confondu partenariat et subordination. Dialogue et injonction. Coopération et chantage.
Que d’autres États aient accepté par le passé ce type de pratiques n’est pas un argument. C’est précisément ce que le Gabon a refusé : perpétuer l’opacité sous couvert de tradition.

Une responsabilité qui ne se partage pas
Contrairement aux récits entretenus dans certaines communications, la responsabilité de l’annulation incombe entièrement au Bureau international.
Le Gabon avait mobilisé ses ressources, ses infrastructures, son appareil diplomatique, son protocole d’État. Tout était prêt. Le seul point de rupture fut une exigence financière impossible à satisfaire légalement.
En refusant toute adaptation, toute créativité juridique, toute solution alternative, le BI a choisi l’épreuve de force. Ce n’est pas un accident. C’est un choix politique assumé.

Une UPF en crise de légitimité
Cette affaire s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’une UPF fragilisée par des suspensions controversées, des tensions internes persistantes et une perte progressive de crédibilité auprès de plusieurs sections nationales.
À Libreville, le BI n’a pas seulement annulé des Assises. Il a fragilisé l’idée même de coopération francophone. Il a rappelé, malgré lui, qu’une organisation internationale peut perdre toute autorité morale lorsqu’elle refuse de respecter les États qui la font exister.
En définitive, ce qui s’est joué à Libreville n’est pas une querelle de procédure. C’est un acte de rupture. Le refus d’un État de violer sa propre loi pour satisfaire l’arrogance d’une organisation internationale qui s’imaginait encore hors de portée.
En annulant, le Bureau international de l’UPF n’a pas puni le Gabon. Il s’est dévoilé. Et ce dévoilement est sans appel : quand une institution de presse choisit le chantage financier plutôt que le droit, elle abdique toute légitimité morale.
La souveraineté n’est pas négociable.
La légalité ne se monnaye pas.
Et la francophonie n’a rien à gagner à s’agenouiller devant ses propres renoncements.
À l’UPF maintenant de choisir : se réformer, ou devenir le symbole d’un monde qui refuse obstinément de comprendre qu’il est déjà révolu.
