Quand la forêt rend son secret : l’hélicoptère du drame de 1985 enfin retrouvé
Par Thomas René
Le 28 juin 1985, un hélicoptère s’écrasait à Makongonio, près de Mbigou, coûtant la vie à dix Gabonais dont sept journalistes et trois militaires tout en laissant cinq survivants marqués à jamais. Quarante ans plus tard, la redécouverte de l’épave ravive la douleur, relance le devoir de mémoire et interroge sur la nécessité de transformer ce lieu en site national de recueillement.

En effet, Il y a quarante ans, le ciel gabonais s’est assombri à jamais.
Le 28 juin 1985, un hélicoptère s’écrasait dans la dense forêt de Makongonio, près de Mbigou. En quelques secondes, dix Gabonais disparaissaient. Sept journalistes, porteurs de la plume et de la vérité, et trois militaires, dévoués à leur mission, perdaient la vie. Le Gabon, jeune République encore marquée par le décès du président Léon Mba en 1967, connaissait alors l’un des drames les plus lourds de son histoire.
Ce crash n’était pas le premier accident aérien du pays. Mais il restera comme le plus meurtrier, le plus déchirant, le plus incompris. Parce qu’il emportait une partie de la mémoire vivante de la Nation. Parce qu’il endeuillait des familles, et laissait à jamais des plaies ouvertes.

Un drame, des visages, des noms
Les victimes ne sont pas des chiffres. Elles ont des noms, des histoires, des familles.
Jean-Philippe Oyono, André Ofounda, Charles Ossouna Ngorogo, Eugène Bindindi, Marcel Ango, Paul Ollo’o Mombey, Mohamed Moungalat. Ces sept hommes de presse incarnaient une profession en quête de reconnaissance et de courage. À leurs côtés, trois militaires tombèrent en service : Faustin Biyogho, Eugène Dickombo et Antoine Ongnalanga.

Le crash eut pourtant ses rescapés. Pierre Ndouong, Valentin Safou, Jean-Rémy Makaya, Dieudonné Mbélé, et Huguette Goudjo, seule femme à avoir survécu. Cette dernière, gravement blessée, avait les deux pieds fracturés. Mais elle tint bon, quatre jours durant, au cœur de la forêt, parmi les corps sans vie de ses compagnons de route. Quatre jours sans vivres, sans téléphone, sans secours, nourris de sable et de feuilles, suspendus à l’instinct de survie. Huguette Goudjo, décédée en 2018, emporta avec elle le poids d’un témoignage douloureux. Aujourd’hui, il ne resterait que deux survivants en vie : Valentin Safou et Pierre Ndouong. Leur mémoire est désormais celle de toute une Nation.

La redécouverte de l’épave : une page de l’Histoire rouverte
Durant quatre décennies, l’épave de « l’hélico de la mort » resta enfouie sous la canopée, dissimulée par la forêt gabonaise. Cherchée par des familles, par des aventuriers, par des passionnés de mémoire, elle ne fut retrouvée que récemment, comme un écho du passé ressurgissant du silence.
Cette découverte n’est pas seulement mécanique. Elle est symbolique. Elle rend justice à la douleur des familles, elle réveille le souvenir d’un drame, elle interpelle le Gabon sur la nécessité de préserver sa mémoire collective. Les auteurs de cet exploit devraient être salués par la République, reçus par les autorités, honorés comme des gardiens de mémoire.
Faire d’un drame un lieu de recueillement
Le site de Makongonio ne doit plus rester un refuge pour gibiers, envahi par les hautes herbes et l’oubli. Ce lieu de larmes mérite mieux : il doit devenir un espace de mémoire nationale. Un monument, un site de recueillement, un sanctuaire où les familles, les citoyens, les étrangers pourraient venir méditer. Car un pays qui oublie ses drames est un pays qui s’expose à répéter ses blessures.
Le devoir de mémoire
Se souvenir du 28 juin 1985, ce n’est pas entretenir la douleur. C’est donner sens à l’histoire. C’est rappeler aux générations futures que la Nation gabonaise s’est bâtie aussi dans la douleur de ses pertes. C’est honorer ceux qui ont donné leur vie dans l’exercice de leurs devoirs, qu’ils soient journalistes ou militaires.
Quarante ans après, Makongonio n’est pas seulement un nom sur une carte. C’est une cicatrice. C’est une mémoire. C’est un appel.
Le Gabon doit répondre.