PAR Thomas René. Libreville le 24 Mai 2024. (globe-infos)
Dans le silence des chancelleries et la cacophonie des commentaires passionnés, une réalité s’impose, implacable : le verdict de la Cour Internationale de Justice sur le différend frontalier entre le Gabon et la Guinée équatoriale redessine plus qu’une carte, il redistribue les cartes du pouvoir. Tandis que Malabo vacille sous le poids de ses erreurs stratégiques, Libreville, serein et maître de ses choix, sort renforcé d’un bras de fer juridique dont il n’était pourtant pas le plus bruyant des protagonistes. Voici comment, en misant sur le droit et la diplomatie, le Gabon pourrait devenir l’arbitre d’une crise politique qui couve chez son voisin.

En effet, par-delà les discours enflammés, les envolées patriotiques et les commentaires approximatifs sur les réseaux sociaux, une vérité, froide et implacable, émerge du verdict rendu par la Cour Internationale de Justice (CIJ) : dans le différend frontalier entre le Gabon et la Guinée équatoriale, c’est le Gabon qui tire son épingle du jeu. En toute discrétion, mais avec une solidité juridique qui force le respect.
Alors que Malabo remet en cause la Convention de Bata de 1974, croyant renforcer sa position dans la bataille diplomatique et territoriale, le régime équato-guinéen s’est lui-même piégé dans un engrenage institutionnel dont il ne maîtrise ni les mécanismes, ni les implications profondes. La CIJ, se fondant sur des textes fondateurs comme la Convention franco-espagnole de 1900, a ouvert la voie à une relecture intégrale des frontières terrestres. Et le résultat est sans appel : certaines localités de Mongomo et Ebebiyin, deux localités hautement symboliques, pourraient bien être rétrocédées au Gabon.

Un symbole fort : la possible perte du village d’Obiang Nguema
Ce qui paraissait inconcevable il y a quelques mois encore devient une perspective juridiquement possible. Le village natal de la famille Obiang, au pouvoir depuis plus de 40 ans, pourrait se retrouver sous administration gabonaise. Un séisme politique en gestation, car cette perte territoriale n’est pas anodine : elle porte atteinte au cœur du pouvoir équato-guinéen, à ses fondements identitaires et symboliques. Comment une famille au pouvoir pourrait-elle continuer à incarner une nation depuis un territoire qui ne lui appartient plus ?
Ce retournement de situation plonge la Guinée équatoriale dans un embarras stratégique inédit. L’État équato-guinéen, mal conseillé et manifestement focalisé sur la défense de ses prétentions maritimes, a ignoré les signaux d’alarme relatifs à sa frontière terrestre. Une négligence que ses avocats américains, très investis sur les îles, n’ont pas su compenser. Le prix à payer pourrait être lourd, politiquement et socialement.
Le Gabon, entre fermeté juridique et ouverture diplomatique
À l’inverse, le Gabon affiche une posture exemplaire. Fidèle aux principes du droit international et aux engagements pris dans le cadre des Nations Unies, Libreville accueille sereinement le verdict. Le ministère des Affaires étrangères a exprimé une volonté claire de respecter les décisions de la CIJ dans leur intégralité – non pas à la carte, mais en bloc. Cette rigueur morale et diplomatique renforce la crédibilité du pays sur la scène internationale et le place en position d’arbitre potentiel dans une crise régionale naissante.

Et c’est là que réside la finesse de la stratégie gabonaise. En acceptant le jugement, le Gabon se pose en défenseur du droit et en acteur pacifique, apte à proposer une médiation future si la Guinée équatoriale s’enlise dans une crise interne. De quoi repositionner le pays comme une force diplomatique crédible en Afrique centrale.
Un redécoupage qui dérange, une victoire qui s’impose.
Au terme de cette séquence, une question s’impose : qui, entre les deux nations, sort gagnant de ce différend ? La réponse est claire. Sur le plan juridique, diplomatique, géopolitique, et même symbolique, c’est le Gabon qui rafle la mise. Non pas en criant victoire sur les toits, mais en consolidant patiemment ses positions, en respectant les mécanismes internationaux et en s’assurant une latitude de manœuvre inédite dans l’histoire des relations bilatérales.
Pendant que certains passionnés débitent des arguments sans fondement, souvent détachés du dossier ou du droit, le Gabon avance ses pions avec lucidité et méthode. La Guinée équatoriale, quant à elle, doit désormais affronter l’impact de ses erreurs d’appréciation et peut-être même reconsidérer l’ensemble de sa gouvernance territoriale.
En somme, la CIJ n’a pas seulement tranché un différend : elle a révélé la profondeur des failles stratégiques d’un régime et, par contraste, la sagesse diplomatique d’un autre. Dans ce jeu de frontières, le Gabon a clairement gagné une manche décisive. La suite se jouera sur le terrain politique. Et une chose est sûre : Libreville est déjà en pole position.
la rédaction 066867376