Face à l’essoufflement structurel de l’administration gabonaise, Michel Philippe Nze, fonctionnaire et journaliste chevronné, livre une réflexion sans détour sur l’urgence de « réarmer » la Fonction publique de l’État. En s’appuyant sur son expérience de terrain et une analyse lucide des dysfonctionnements actuels, il propose quatre axes de réforme ambitieux mais réalistes, pour remettre l’administration au service des citoyens et de la performance publique.
Par Michel Philippe Nze. Libreville, 10 Mai 2025

En effet, c’est par anticipation aux critiques légitimes pouvant remettre en cause ma compétence en matière de gestion publique ou ma prétention à formuler des propositions de réforme, que je sollicite humblement l’indulgence du lecteur. Mon statut de fonctionnaire et ma longue expérience de journaliste, en tant qu’usager assidu des services publics, m’ont permis d’observer de près les dysfonctionnements de notre administration. Mes constats, nourris par des années d’observation et de réflexion, alimentent une proposition que je souhaite constructive, bien qu’elle n’ait, jusqu’ici, jamais été sérieusement envisagée pour mise en œuvre.
L’objectif de cette initiative est clair : transformer l’administration en une interface efficace entre l’État et les acteurs économiques, sociaux et culturels, tout en optimisant l’utilisation des ressources publiques, en valorisant le mérite et en améliorant les conditions de travail des agents publics. Une telle réforme renforcerait la confiance citoyenne et soutiendrait la vision de modernisation du Gabon portée par le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, pour son premier septennat.
Cette réforme s’articule autour de quatre axes fondamentaux :
- Adopter une culture de l’usager-client
L’administration doit recentrer ses missions sur le citoyen, considéré non comme un simple usager, mais comme un client à satisfaire avec efficacité, diligence et respect. Trop souvent, les démarches administratives sont entravées par des lenteurs, des lourdeurs, voire des comportements discourtois.
Il est impératif de former les agents publics à une culture du service. Cette orientation doit être accompagnée d’un dispositif d’évaluation régulière : enquêtes de satisfaction, audits de performance, indicateurs de résultats. Une administration centrée sur l’usager-client devient un vecteur de développement et de cohésion sociale.
- Rationaliser les dépenses publiques – le cas du parc automobile
Les coûts de fonctionnement de l’État, notamment ceux liés au parc automobile, représentent un fardeau budgétaire considérable. Celui-ci coûterait près de 100 milliards de F CFA par an, un montant qu’il est possible de réduire sans nuire à l’efficacité des services.
Parmi les mesures à envisager :
Définir des critères objectifs d’attribution des véhicules, en fonction du rang hiérarchique, pour éviter les affectations abusives.
Standardiser les véhicules à des modèles robustes, économiques, faciles à entretenir, avec des puissances adaptées aux fonctions.
Supprimer le libre choix des véhicules par les responsables administratifs, source d’inégalités et de dépenses excessives.
Ces réformes contribueraient à une gestion rigoureuse des ressources de l’État et enverraient un signal fort d’exemplarité.
- Instaurer une promotion hiérarchique fondée sur le mérite
La progression professionnelle dans la Fonction publique doit reposer sur des critères transparents : compétence, performance, ancienneté. Trop souvent, les promotions sont dictées par des considérations extra-professionnelles.
À titre d’exemple, un directeur général adjoint devrait logiquement accéder à la direction générale, sauf motif fondé et documenté. Une gestion de carrière transparente, avec des évaluations régulières et objectives, renforcerait la motivation, l’engagement et la productivité des agents.
- Améliorer les conditions de travail des fonctionnaires
Un cadre de travail décent conditionne la performance. Il s’agit ici d’équiper les services publics – tant à Libreville qu’en province – de bureaux fonctionnels, de matériels informatiques modernes, et d’une connectivité Internet stable.
Pour les agents en province, les difficultés sont encore plus marquées : absence de logements de fonction, éloignement des centres de santé de qualité, manque d’accès aux produits de consommation courante, etc. Il devient urgent :
De construire des logements de fonction et de poursuivre la réhabilitation des infrastructures publiques, comme l’a initié le Chef de l’État.
D’instaurer une prime spécifique d’éloignement, en compensation des privations vécues par les agents affectés hors de la capitale.
Ces investissements amélioreront les performances globales de l’administration tout en réduisant les inégalités territoriales.
En somme, la réforme de notre Fonction publique – axée sur l’efficacité, la rationalisation des dépenses, la valorisation du mérite et l’amélioration des conditions de travail – est un impératif pour construire un État moderne, efficace, et au service de tous. Elle permettrait de redonner confiance à l’opinion publique, de libérer des marges de manœuvre budgétaires et de contribuer au développement durable du Gabon.
Merci de votre lecture